Monsieur le Président
de la République

Pour faire suite à votre initiative démocratique originale lancée sur les réseaux sociaux autour de l’avenir de notre planète habitable, voici mes questions :

1. A l’heure où je vous écris, mon dernier-né âgé de seulement 6 semaines est hospitalisé à cause d’une bronchiolite. Les liens entre perte de biodiversité, changement climatique, destruction des habitats, pollution et santé sont scientifiquement avérés. Quelles actions comptez-vous mener pour soutenir les personnels de santé et les hôpitaux déjà à bout de souffle face aux pandémies qui s’annoncent ?

2. Le changement climatique impacte également nos infrastructures. À titre d’exemples, les fortes chaleurs dilatent les rails de nos chemins de fer, perturbent nos réseaux électriques, fragilisent les pillasses de nos ponts, affaiblissent les capacités de refroidissement de nos centrales nucléaires. La montée des eaux quant à elle, empêchera nos ports d’opérer correctement. Quels plans d’actions par anticipation mettez-vous en œuvre pour palier à ces catastrophes annoncées ?

3. Le changement climatique impacte notre sécurité alimentaire. Chaque degré de réchauffement supplémentaire diminue les rendements agricoles de 10 %. Pour satisfaire nos besoins, vous privilégiez l’agriculture intensive. Je suis fils de paysan Monsieur le Président. Mon père aujourd’hui à la retraite a par le passé arraché des haies, utilisé des produits phytosanitaires, rebouché des mares… Il était pris dans un système productiviste aveuglant pour assurer – croyait-il – un avenir à ses enfants et pour « nourrir la France » lui avait-on dit. En 2020, c’est 8645 tonnes de glyphosate qui ont été déversées dans nos campagnes. Quand allons-nous enfin nous affranchir des lobbies et de leurs produits néfastes pour nourrir nos enfants ? Quelle politique agricole comptez-vous mener pour assurer notre sécurité alimentaire, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif ?

4. L’écologie n’est pas un parti politique. L’écologie ne peut pas se contenter des cloisons d’un Ministère. L’écologie doit être au cœur de nos institutions. C’est en repensant nos modes de gouvernance et notre façon d’habiter le monde, en intégrant l’écologie dès le départ dans nos processus décisionnels que nous parviendrons à répondre dans l’urgence à l’ampleur des défis qui nous attendent. Quand l’écologie sera-t-elle enseignée à tous les niveaux à l’école ? Quand les 547 députés de l’Assemblée Nationale qui ont séché fin octobre la formation de sensibilisation aux enjeux climatiques prendront-ils la mesure de ce qui nous attend ? Quand réformerez-vous nos institutions pour intégrer l’écologie dans leurs fondements ?

5. L’équation est en réalité assez simple. Notre modèle de civilisation est aujourd’hui basé sur la croissance. Or, la croissance n’est possible que grâce à la croissance de l’exploitation des ressources de la Terre. S’il y a moins de forêts, moins de cuivre, moins de poissons, etc., il y a moins de croissance. A la vitesse où nous exploitons ces ressources, la décroissance, si elle n’est pas choisie démocratiquement, s’imposera à nous par la récession ou la dépression. C’est un changement de paradigme qu’il faut opérer. C’est un changement d’indicateur dont nous avons besoin. C’est de rêves qu’il nous faut. Êtes-vous prêt à revoir l’usage d’indicateurs obsolètes tels que le PIB qui ne prend en compte que la valeur marchande des biens et services ? A quel modèle de société aspirez-vous ? Dans quel récit collectif enthousiasmant comptez-vous nous embarquer ?

6. C’est en récréant du lien social que nous pourrons affronter collectivement les défis écologiques qui nous attendent. Cela passe entre autres par davantage de justice sociale, des investissements massifs permettant la redynamisation de nos campagnes, la réouverture des lignes de chemin de fer condamnées, la réouverture des écoles fermées… etc. Quelle politique sociale menez-vous pour redonner du sens, recréer du lien, favoriser l’entraide face aux défis écologiques ?

7. Destins démocratiques, énergétiques et écologiques sont liés. Le changement climatique, les pandémies, la perte de biodiversité conduisent à l’augmentation des tensions sociales, au repli sur soi, au populisme, aux extrêmes, à la compétition pour les ressources et les territoires, aux conflits. C’est de paix et de solidarité dont nous avons besoin pour affronter les crises écologiques. Qu’attendez-vous pour agir ?

Vous avez promis un retour pour la semaine prochaine Monsieur le Président. Merci d’avance pour vos éclairages et vos réponses. L’espace d’un instant, il me prend à rêver. Mais vite, je retourne au chevet de mon fils qui ne peut pas attendre !